L’espérance de vie des femmes en Suisse est passée de 79 ans en 1981 à 86 ans en 2016 !
L’âge de la ménopause n’a pas évolué depuis Aristote (-384 av. J.-C.) et se situe entre 48 et 52 ans pour la majorité des femmes ! Toutes les femmes sont un jour ménopausées, sans exception! Le calcul est vite fait: en Suisse, les femmes vont vivre plus de 30 ans sans hormones, d’ici à 2050 plus de 50 ans. Cela n’est pas sans conséquence. Bien évidemment, au moment de la ménopause, il y a l’arrêt des règles, les vapeurs, les troubles de l’humeur, les troubles du sommeil, la sécheresse vaginale, etc…, qui vous empoisonnent la vie; qu’en est-il des conséquences à long terme du manque d’œstrogènes, de progestérone et d’hormones mâles (et oui, on produit de la testostérone dans nos ovaires)?
La baisse du taux d’œstrogènes entraîne une perte de masse osseuse …
Le squelette n’est pas inerte et tout au long de la vie, il se modèle (enfant, l’on grandit) puis se remodèle : le vieil os est détruit par les ostéoclastes, c’est la résorption alors que les ostéoblastes fabriquent de l’os nouveau, c’est la formation. Ce remodelage osseux roule en continu sur des périodes de 3 mois.
La baisse du taux d’œstrogènes dans le sang entraîne une perte de masse osseuse… en accentuant la résorption sans accentuer la formation d’où l’appauvrissement de l’os mais aussi et surtout sa fragilisation à l’origine des fractures : c’est l’ostéoporose. De nombreuses études ont démontré que le traitement par les œstrogènes – initié dès la ménopause – prévient la perte osseuse en rétablissant un remodelage équilibré entre résorption et formation. En l’absence de traitement, surtout chez les femmes à risque (en insuffisance pondérale, grandes sportives, fumeuses, qui ont eu une puberté tardive et/ou de longues périodes sans règles), la probabilité de développer une ostéoporose dans les 30 ans après la ménopause augmente de façon exponentielle avec pour conséquence le dos rond, les vertèbres qui se tassent, le col du fémur ou le poignet fragilisés qui se cassent à la moindre chute.
En conclusion, le THM (Traitement Hormonal de la Ménopause) débuté dès la ménopause reste le traitement anti-résorbeur le plus physiologique et prévient les fractures chez toutes les femmes, surtout celles qui sont à risque et bien évidemment celles qui ont une espérance de vie de plus de 80 ans, ce qui devient une majorité chez les baby-boomers.
Les maladies cardio-vasculaires tuent plus de femmes que le cancer du sein
Depuis mai 1968, certaines femmes ont « adopté » des comportements à risque tels que le tabagisme, le stress, la sédentarité, les excès alimentaires conduisant à l’obésité, au syndrome métabolique, au diabète, à l’hypertension artérielle, etc. Pour ces femmes-là, la première préoccupation sera de contrôler les facteurs de risque cardiovasculaire avant d’envisager un THM. Par contre, pour toutes les femmes qui sont « fit » à 50 ans, de poids plus ou moins normal, actives, conscientes de la valeur de leur santé, le THM diminue les évènements coronariens lorsqu’il est débuté avant 60 ans ou dans les 10 ans après le début de la ménopause. Cet effet « cardio-protecteur » des œstrogènes, avant la ménopause, a été démontré dans les années 1960-1970, à une époque où les femmes ne fumaient pas. Le traitement par les œstrogènes protégeait les «guenons castrées » de l’artériosclérose.
En 2002, l’étude WHI (Women Health Initiative) a provoqué un cataclysme en affirmant que les œstrogènes donnés à des Américaines de 64 ans en moyenne, pour la plupart obèses, certaines tabagiques voire diabétiques, augmentaient les accidents cardiovasculaires ! Ceci est peut-être vrai pour cette catégorie de femmes mais pas pour celles qui n’ont pas ce profil et qui sont traitées dès la ménopause.
L’effet bénéfique des œstrogènes ne se limite pas à la prévention de l’ostéoporose et des maladies cardio-vasculaires
Les œstrogènes, hormones féminines par excellence, agissent aussi sur la texture de la peau (fine et douce), les muscles, le cerveau, les muqueuses (notamment urinaires et génitales), les cheveux, la répartition du tissu adipeux sur les fesses plutôt que sur le ventre, le mental, bref tout ce qui fait de nous des femmes.
Dès lors, quel traitement hormonal de la ménopause et pour combien de temps ?
Après la ménopause, nos ovaires ne produisent plus d’androgènes ni d’œstrogènes ni de progestérone. Pour les œstrogènes, la voie transdermique est préférable à la voie orale pour éviter le premier passage hépatique. Qu’est-ce que cela veut dire ? Quand on prend un médicament par voie orale (comprimé ou gélule), il est digéré puis transformé le plus souvent dans le foie en « catabolites » ou «produits dérivés ». En passant par le foie, l’œstrogène naturel (œstradiol = E2) produit un œstrogène puissant, l’œstrone (E1), qui va stimuler la production dans le foie de protéines impliquées dans le transport du cholestérol (le bon HDL), le transport de différentes hormones dont les androgènes mais aussi les facteurs de la coagulation et les facteurs responsables de l’hypertension artérielle. C’est pourquoi, pris par la bouche en comprimé, l’œstradiol peut augmenter les facteurs de la coagulation et le risque de thrombose et d’embolie chez les personnes à risque.
L’œstrone (E1) favorise la rétention d’eau, les tensions mammaires et une certaine prise de poids. L’œstrone (E1) accentue la diminution des facteurs de croissance due à l’âge, ce qui entraîne une relative perte de masse musculaire et le développement du «pneu ». Pour éviter les inconvénients du premier passage hépatique, on favorisera donc la voie transdermique (par la peau) en gel ou en patch.
A quoi sert la progestérone ?
L’utérus ou la matrice est le cocon dans lequel va s’implanter l’embryon issu de la fécondation d’un œuf (ovocyte) par un spermatozoïde. Il faut donc le préparer au cours du cycle : pendant la première phase (de J1- J14), ce sont les œstrogènes qui vont développer l’endomètre (ce que j’appelle la moquette) de 2 à 10 mm, c’est la phase proliférative. Après l’ovulation (la ponte), le corps jaune dans l’ovaire produit de la progestérone pour préparer le cocon à la gestation. La progestérone au niveau de l’endomètre va bloquer l’effet prolifératif des œstrogènes, modifier l’aspect de la moquette en «dentelle utérine » et surtout calmer l’utérus pour qu’il se fasse plus accueillant. En résumé, la progestérone est l’hormone indispensable à la gestation dans les 12 premières semaines de grossesse.
Quel est son rôle après la ménopause ?
Théoriquement aucun, sauf pour les femmes ménopausées qui ont toujours leur matrice et qui seront traitées par des œstrogènes. Dans cette situation, il faut prescrire de la progestérone pour empêcher la prolifération de l’endomètre sous l’effet des œstrogènes et le risque de développer une hyperplasie (épaississement), des polypes ou même un cancer de l’endomètre. Un stérilet « hormonal » contenant un progestatif empêche également le développement de l’endomètre pour une durée de 5 ans. Mais la progestérone a aussi des effets sur les seins : elle agit en synergie avec les œstrogènes pour induire le développement des acini (la glande mammaire) mais elle inhibe aussi les mitoses épithéliales provoquées par les œstrogènes selon la phase du cycle d’où l’importance du choix du progestatif dans le THM des femmes qui ont leur matrice. La progestérone a encore d’autres effets dont une action sédative, une action anti-aldostérone qui favorise l’élimination urinaire du sel et de l’eau, probablement une action stimulante de la myéline (fibre nerveuse), etc. On utilise donc la progestérone naturelle micronisée par voie vaginale (comme des ovules) pour favoriser l’implantation de l’embryon dans l’endomètre en seconde phase de cycle (en traitement de la fertilité). Prise par la bouche au coucher, la progestérone naturelle micronisée a un effet sur le sommeil, sur les sudations et les « chaleurs » nocturnes, souvent souhaité, via ses métabolites hépatiques, sans autre effet négatif sur le foie. L’absorption percutanée de la progestérone (en gel ou en crème) doit être réévaluée par rapport à son action antiproliférative au niveau de l’endomètre. En revanche, la progestérone en gel/ crème est bien absorbée au niveau des seins et diminue les tensions mammaires (mastodynie)
Et les androgènes ?
Une étude réalisée en 2001 indique que 60,7% des femmes sont sexuellement actives entre 50 et 59 ans, contre 44,9% entre 60 et 69 ans et 28,2% entre 70 et 79 ans. Mais c’était en 2001! Parmi les causes de ce déclin, la sécheresse vaginale, une des conséquences physiques de la post-ménopause et de la perte des œstrogènes. Les femmes ont aussi besoin de testostérone, l’hormone mâle par excellence, que les ovaires cessent de produire en post-ménopause. Comme chez l’homme, la carence en testostérone fait grossir: moins de muscle, plus de ventre, moins de peps. Après la ménopause, la production par les surrénales de la DHEA (dé-hydro-épi-androstérone), une hormone mâle précurseur de la testostérone, maximale au moment de la puberté, décline aussi, ce qui aggrave le déficit androgénique et met en berne la libido.
En conclusion, le traitement hormonal de la ménopause (THM) associe :
• des œstrogènes
• de la progestérone (pour les femmes ayant leur utérus ou des troubles nocturnes)
• éventuellement des androgènes (DHEA, testostérone)
• de la vitamine D3 si nécessaire
• du calcium si nécessaire
Sans oublier une alimentation adéquate et une activité physique régulière.
Quels sont réellement les risques de développer un cancer du sein sous THM ?
En 2002, la WHI (Women Health Initiative) a recensé 21 cas de cancer du sein sur 15’000 femmes (moyenne d’âge 64 ans) non traitées, après 2 ans d’observation. Ce chiffre de 21 correspond à un risque relatif de 1,0 (RR = 1,0). Il y a eu 26 cas de cancer du sein sur 15’000 femmes traitées par un œstrogène extrait d’urine de jument et surtout par un progestatif (progestérone synthétique) de type MPA (médroxy-progestérone-acétate), soit 5 cas de plus chez les femmes traitées pendant 2½ ans. Ce chiffre de 5 augmente le risque relatif (RR) de 1 à 1,2 soit + 20% alors que le risque absolu n’a augmenté que de 0,03% chez les femmes traitées par rapport aux femmes non traitées. C’est donc cette augmentation du risque relatif de 20 %, largement répandue par les médias, qui a provoqué la panique. Pour les femmes qui n’avait plus d’utérus (hystérectomie) et qui étaient traitées seulement par des œstrogènes, l’augmentation du risque relatif n’était plus significative. Depuis 1990, en France, une étude épidémiologique auprès des femmes de l’Education Nationale, l’étude E3N, observe une cohorte d’environ 100’000 femmes volontaires françaises nées entre 1925 et 1950. Les dernières données de l’étude E3N confirment l’absence d’augmentation du risque de cancer du sein (RR = 1,0) avec les THM associant œstrogènes et progestérone naturelle micronisée, même lors de traitement de longue durée (6 ans et plus). De même, avec les associations œstrogènes et dydrogestérone (isomère de la progestérone), on ne retrouve pas d’augmentation significative du risque de cancer du sein (RR = 1,16), même lors de traitement de longue durée.
En résumé, cancer du sein et THM : tout dépend de la nature du progestatif
Ces résultats de l’étude E3N sont donc très importants pour l’identification du THM ayant le meilleur profil bénéfice/risque. Malheureusement, certains médias, dont le Lancet en 2019, ignorent cette étude et continuent de traiter la ménopause d’évènement naturel ou physiologique que les femmes doivent assumer avec « zénitude» malgré les vapeurs, les sudations profuses, les troubles du sommeil, la sécheresse vaginale, la peau qui flétrit, les cheveux et les fesses qui tombent, l’humeur en berne, etc … alors que tous ces « inconvénients » peuvent être évités et traités par un traitement hormonal substitutif de la ménopause adéquat et adapté à chacune d’elle. Ces mêmes médias – souvent orchestrés d’ailleurs par des femmes – oublient que la ménopause à environ 50 ans n’est plus «physiologique» pour les baby-boomers de 60 ans et plus, qui se sentent en pleine forme, actives et qui ont envie de le rester! Malheureusement, pour certaines femmes qui ont souffert d’un cancer du sein ou qui sont à très haut risque comme Angelina Jolie, le THM quel qu’il soit n’est pas une option. La contre-indication est relative pour celles qui ont des antécédents de thrombose ou d’embolie pour autant que l’on utilise la voie transdermique pour l’œstrogène. Le cancer de l’endomètre ne doit pas être oublié, même s’il est peu fréquent, d’où la nécessité pour toutes les femmes qui ont leur matrice d’effectuer des examens gynécologiques annuels. La relation entre THM et cancer de l’ovaire n’est pas claire mais il semble que l’augmentation du risque soit significative d’un point de vue statistique mais minime en risque absolu. Heureusement, le cancer de l’ovaire, difficile à diagnostiquer précocement, reste un cancer très rare.
En conclusion
Pour quelles raisons aujourd’hui, le traitement hormonal substitutif de la ménopause n’est-il pas proposé à toutes les femmes « jeunes » ménopausées qui le souhaitent et qui n’ont pas de contre-indications? Pour quelles raisons limiter la durée du traitement à 5 ans pour des femmes qui ont une espérance de vie de 80 ans et plus, qui sont actives professionnellement au-delà de l’âge de la retraite et qui ont encore une vie sexuelle? Pour toutes ces femmes, dont je fais partie (je travaille à plein temps à 74 ans), je souhaite que les études dont l’E3N réhabilitent le THM en analysant de façon objective le rapport bénéfice/risque à long terme et «déculpabilise» leurs utilisatrices ! J’ai été entendue puisqu’à fin 2016, dans un article paru dans le New England Journal of Medecine, les auteurs de la WHI regrettent les interprétations erronées des données de l’étude et ajoutent que le traitement hormonal substitutif de la ménopause apporte plus de bénéfices que de risques. De plus, en juin 2017, la Société Nord-Américaine de la Ménopause a mis à jour ces recommandations : le traitement hormonal substitutif de la ménopause ne doit plus être stoppé de façon routinière pour les femmes de 65 ans et plus pour autant qu’il soit approprié à chacune d’elles (dose, durée, type et voie d’administration du traitement). La progestérone naturelle micronisée par voie orale au coucher (jusqu’à 300 mg/jour) réduit les vapeurs et les sudations nocturnes et améliore le sommeil ! La progestérone naturelle micronisée est moins thrombogène que les autres progestatifs. Elle peut aussi être prescrite à des femmes hystérectomisées qui ont surtout des symptômes nocturnes. Le traitement hormonal substitutif débuté avant l’âge de 60 ans ou dans les 10 ans après le début de la ménopause réduit de façon significative la mortalité globale!
Aujourd’hui, on peut dire que la réhabilitation du traitement hormonal de la ménopause est en cours. Malheureusement, certains médias restent focalisés sur l’étude WHI de 2002 et sur l’article du Lancet d’août 2019 qui fait l’impasse sur les données de l’étude française E3N démontrant l’absence d’augmentation du risque de cancer du sein associé à la progestérone micronisée. On ne peut que regretter que cet article, dont les résultats sont largement critiquables, ne s’attachent, une fois de plus, qu’à évaluer l’impact du THM sous l’angle du cancer du sein, sans évoquer ses effets bénéfiques sur les symptômes de la ménopause, le risque cardio-vasculaire et l’ostéoporose.
A lire aussi sur www.catherinewaeberstephan.ch :
« Ménopause, avant pendant et après » version 2019
« La ménopause autrement … après 60 ans » édition 2016
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