Allergies Aiguës

Dr. Philip Taramarcaz

Centre des Allergies et de l'Asthme de la Terrassière, Genève

mai 13, 2022

ALLERGIES AIGUËS: ANGIŒDÈME ET ANAPHYLAXIE

Les allergies aiguës se caractérisent par la survenue brutale de symptômes, c’està- dire en l’espace de secondes ou de minutes. Lorsque la réaction est limitée à la peau et au tissu sous-cutané, il s’agit d’un angioedème et lorsque surviennent des symptômes généraux (non-localisés), on parle d’anaphylaxie. L’urticaire, la rhinite, la rhinoconjonctivite et l’asthme sont aussi des allergies aiguës, mais sont traitées ailleurs dans ce guide.

QU’EST-CE QU’UN ANGIOEDÈME ?

Les angioedèmes sont des tuméfactions diffuses liées à un oedème du derme profond (partie profonde de la peau) soit du tissu graisseux sousjacent. L’oedème est lié à une augmentation de la perméabilité des petits vaisseaux et se développe en quelques minutes.

L’angioedème est un symptôme et non pas une maladie. Plusieurs facteurs déclenchants et plusieurs évolutions sont possibles.

• L’angioedème allergique : souvent le patient trouve lui-même le facteur déclenchant (l’allergène) car la réaction survient quelques minutes après le contact avec un allergène. Les allergies alimentaires sont probablement la cause la plus fréquente d’angioedème allergique. Les piqûres d’insectes particulièrement des abeilles et des guêpes peuvent provoquer des réactions cutanées de type angioedème. Le contact avec du latex (par exemple des gants en caoutchouc) peut provoquer des angioedèmes et des symptômes respiratoires. Dans la plupart des cas l’angioedème allergique ne survient pas de façon isolée mais est accompagné de rougeur, d’urticaire, parfois d’une crise d’asthme, d’une rhinoconjonctivite ou de diarrhées, et peut même parfois conduire à un choc anaphylactique. Les allergènes alimentaires les plus fréquents incluent les cacahuètes, le céleri, le soja et les crustacés comme les crevettes.

L’angioedème médicamenteux peut être une complication d’une prise de médicaments. La crise initiale d’angioedème peut survenir des jours, voire des années après le début du traitement. La classe médicamenteuse la plus souvent responsable d’angioedèmes isolés (sans urticaire ou autre manifestation) est celle des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC). Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) comme l’aspirine et beaucoup d’autres médicaments (Brufen®’ Ponstan®’ Voltaren®’ etc.), qui sont ingérés comme anti-douleurs, peuvent induire des angioedèmes, de l’urticaire, de l’asthme et/ou même un choc anaphylactique. Ces réactions ne sont pas dues à un mécanisme allergique, mais d’intolérance.

L’angioedème vibratoire est une affection rare. Si la peau entre en contact avec un objet vibrant, le sujet susceptible développe un angioedème localisé à cet endroit. L’exemple typique est le travailleur avec le marteau piqueur qui développe une enflure des mains après avoir utilisé cet outil.

L’angioedème sur déficit en C1 inhibiteur est rare, mais peut mettre la vie du patient en danger, en raison de sa localisation au niveau du larynx, et doit être bien connu. Cette maladie peut être héréditaire ou acquise. La forme héréditaire se transmet génétiquement, et les crises commencent souvent dans l’enfance ou l’adolescence. Elles sont fréquemment provoquées par un traumatisme ou une intervention chirurgicale, en particulier dentaire et atteignent souvent le visage, les extrémités et la région thoracique. L’atteinte des voies respiratoire supérieures (larynx) détermine le pronostic. L’intestin peut être atteint et ces oedèmes profonds peuvent induire des douleurs abdominales voire une occlusion intestinale. D’autres facteurs déclenchants sont de nature hormonale chez la femme comme la puberté, le début de prise d’une contraception orale et la grossesse. Les manifestations initiales peuvent occasionellement ne survenir qu’à l’âge adulte.

La forme acquise survient comme manifestation d’un certain type de cancer des globules blancs (lymphocytes B) ou d’une maladie auto-immune comme le lupus érythémateux systémique. Dans certains cas des autoanticorps dirigés contre des composants du complément ont été mis en évidence, avec comme effet la consommation et la déplétion de la fraction 4 du complément. Malheureusement on ne trouve pas d’étiologie dans la plupart des cas d’angioedèmes chroniques ou récurrents. Alors, on parle d’angioedème idiopathique (ce terme signifie que l’on ne connaît pas l’origine). Ce type d’angioedème est souvent associé à une urticaire.

COMMENT TRAITER L’ANGIOEDÈME ?

Angioedème allergique : consultation chez un spécialiste en allergologie pour le traitement, l’identification d’un allergène et la prévention de nouveaux épisodes. L’éviction de l’allergène permettra d’éviter des récidives.

Angioedème médicamenteux : l’allergologue doit identifier l’anti-douleur responsable et faire des recommandations pour des anti-douleurs alternatifs autorisés. Chaque patient avec un angioedème sans autre manifestation allergique doit être interrogé sur la consommation de médicaments, afin de pouvoir éviter le médicament en cause.

Angioedème sur déficit en C1 inhibiteur : prise d’un médicament sur le long terme (danazol, acide tranexamique) ou uniquement en cas de crises (inhibiteur de la C1 esthérase, icatibant). Les patients atteints doivent connaître leur maladie, distinguer le niveau de sévérité des crises et savoir informer le personnel médical de leur diagnostic.

Le traitement des angioedèmes allergiques médicamenteux et idiopathiques est purement symptomatique, c’est-à-dire qu’il vise à traiter les symptômes mais non pas les causes sous-jacentes. On utilise des antihistaminiques en première ligne, comme pour l’urticaire. Parfois, on ajoute au traitement un corticoïde pour une courte durée. L’adrénaline est utilisée si une difficulté respiratoire survient suite à la localisation de l’angioedème dans la gorge.

QU’EST-CE QUE L’ANAPHYLAXIE ?

L’allergie de type immédiat peut s’exprimer selon un spectre de symptômes généralisés. L’application, l’ingestion ou même l’inhalation d’allergène peut provoquer non seulement des symptômes sur la zone de contact (par exemple urticaire de contact si l’allergène touche la peau, oedème des lèvres et démangeaisons dans la bouche lors de l’ingestion d’un allergène, crise d’asthme suite à l’inhalation d’allergène) mais aussi des manifestations générales. Tout le spectre de ces réactions systémiques de type immédiat est classé sous le terme d’anaphylaxie.

Dans sa manifestation maximale, elle peut aboutir au choc anaphylactique. L’asthme grave et le choc dans le cadre d’une anaphylaxie peuvent aboutir au décès. Pour ces raisons, l’anaphylaxie doit être considérée comme une urgence médicale. Les symptômes d’anaphylaxie sont très variables. Avant que les symptômes cardio-vasculaires (baisse de la tension artérielle, perte de connaissance : le choc à proprement parler) ne s’installent, surviennent habituellement des symptômes : cutanés (rougeur, urticaire…), oculaires (rougeur des conjonctives), respiratoires (écoulement nasal, respiration sifflante, difficulté à respirer, gonflement dans la gorge), intestinaux (nausée, vomissement, diarrhées, perte des selles). La plupart des réactions anaphylactiques restent limitées à un ou plusieurs organes sans aboutir à un choc.

Quels allergènes peuvent provoquer une anaphylaxie ?

Les allergènes alimentaires comme la cacahuète, les noix et autres fruits à coque, le céleri, le soja et les crustacés comme les crevettes figurent parmi les allergènes alimentaires les plus fréquents.

Les piqûres d’hyménoptères (guêpes et abeilles) peuvent induire tous les stades d’anaphylaxie tandis que les réactions aux piqûres d’autres insectes dépassent exceptionnellement le stade II.

Des réactions anaphylactiques peuvent aussi survenir lors des injections d’allergène dans le cadre d’une désensibilisation (pollens, acariens, animaux…).

Le latex (gants en caoutchouc, ballons gonflables,…) peut induire des réactions anaphylactiques allant jusqu’au choc.

• Un autre groupe important de substances qui déclenchent des anaphylaxies est celui des médicaments. Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) comme l’aspirine et beaucoup d’autres médicaments (Brufen®, Ponstan®, Voltaren®’ etc.) peuvent induire des manifestations anaphylactoïdes (réactions identiques à l’anaphylaxie, mais dont le mécanisme n’est pas allergique). C’est l’allergologue qui doit identifier l’anti-douleur responsable et faire des recommandations pour les traitements alternatifs. Les autres médicaments fréquemment incriminés dans les anaphylaxies d’origine allergique sont les pénicillines et d’autres antibiotiques ainsi que les anesthésiques généraux. Il existe beaucoup d’autres médicaments qui peuvent également provoquer une anaphylaxie. L’allergologue a les compétences requises pour établir le diagnostic (éventuellement par des tests cutanés ou de laboratoire) et pour proposer des alternatives de traitement.

L’anaphylaxie peut se manifester après un effort physique. Dans ces cas on peut souvent incriminer un cofacteur alimentaire. La particularité de cette forme d’allergie alimentaire est qu’elle se manifeste seulement si l’ingestion de l’allergène est suivie par un effort physique. On nomme cette entité anaphylaxie alimentaire induite par l’effort.

Il n’est pas possible ici de faire un listing complet de tous les allergènes susceptibles de provoquer des réactions anaphylactiques, le contenu de ce listing augmentant régulièrement.

CLASSIFICATION DES STADES DE GRAVITÉS DANS L’ANAPHYLAXIE

Il faut différencier plusieurs stades de gravité dans l’anaphylaxie. La classification a été initialement appliquée pour les réactions aux venins de guêpes ou abeilles mais elle est utile pour toutes réactions anaphylactiques.

Stade I : Urticaire généralisé, malaise, anxiété.

Stade II : Un ou plusieurs symptômes du stade I avec au minimum deux des symptômes suivants : angioedème, oppression thoracique, douleurs abdominales, nausée, diarrhées, vertiges.

Stade III : Un ou plusieurs symptômes du stade I avec au minimum deux des symptômes suivants : dyspnée (difficulté de respirer), dysphagie (difficulté à avaler), dysphonie (altération de la voix), confusion, angoisse de mort.

Stade IV : Un ou plusieurs symptômes du stade I avec au minimum deux des symptômes suivants : cyanose (teint bleuâtre de la peau surtout visible au niveau du visage et des extrémités), hypotension (baisse de la tension artérielle), collapsus (perte de connaissance), syncope (collapsus et perte de connaissance).

COMMENT TRAITER UNE ANAPHYLAXIE

Dans la prise en charge d’un patient avec anaphylaxie on peut distinguer la prise en charge de l’urgence et le suivi.

Toute réaction anaphylactique doit motiver une consultation médicale si possible immédiate, car en cas de récidive, la réaction peut être plus sévère.

Les stades III et IV sont une urgence qui nécessite une prise en charge médicale immédiate par une équipe spécialisée (transport avec une ambulance médicalisée) et une hospitalisation dans un centre avec un centre de soins intensifs (réanimation). Dans les villes, il existe des services d’urgence qui visitent les patients à leur domicile ou des hôpitaux avec des services d’urgence et de réanimation. A la campagne il y a souvent un médecin de garde ou d’astreinte pour les urgences médicales. Tous les médecins ont été formés à reconnaître et à donner le traitement initial de l’anaphylaxie.

En cas de piqûre d’hyménoptère, l’aiguillon de l’abeille avec son sac de venins qui reste dans la peau après piqûre doit être enlevé le plus rapidement possible. De même l’ingestion d’aliments ou la perfusion de médicaments suspects doit être interrompu immédiatement. Le patient doit être allongé et les jambes surélevées. Des modalités supplémentaires de traitement intensif du choc anaphylactique sont disponibles dans des centres hospitaliers avec service d’urgence et de soins intensifs.

Suivi du traitement :

• Après chaque anaphylaxie, une consultation chez le spécialiste en allergologie est nécessaire. Celui-ci doit confirmer le diagnostic et rechercher un allergène inconnu ou affirmer le rôle d’un allergène suspecté. Dans ce but, le spécialiste dispose de divers examens comme les tests cutanés pour dépister les causes allergiques IgE dépendantes. Une fois un allergène identifié, il prodiguera des conseils pour éviter des reexpositions à l’allergène incriminé. Un passeport d’allergie spécifiant le type d’allergène, de réaction et les modalités du diagnostic doit être remis au patient. Ce passeport est utile pour tout autre médecin qui verra le patient. Dans une situation d’urgence, il permet dans certains cas de plus rapidement poser le diagnostic d’anaphylaxie et d’identifier l’allergène en cause.

• Le spécialiste va prescrire aux patients qui ont présenté une réaction anaphylactique une trousse d’urgence qui contient des seringues d’adrénaline auto-injectable et d’autres médicaments anti-allergiques comme des comprimés d’antihistaminiques et de corticoïdes. Le spécialiste indique également les mesures préventives à prendre si une reexposition à l’allergène est inévitable. Il fera les déclarations auprès de l’assurance si nécessaire. Il donnera des conseils quant aux autres affections allergiques qui peuvent accompagner une anaphylaxie, comme la rhinite, l’eczéma ou l’asthme.

L’allergologue s’assurera aussi que le patient ne prend pas de médicaments qui risquent d’aggraver l’anaphylaxie ou de rendre son traitement plus difficile (surtout les bêtabloquants, médicaments contre l’hypertension et le glaucome), qui rendent l’adrénaline moins efficace.

• Finalement, une induction de tolérance ou désensibilisation peut être entreprise pour certains allergènes ayant provoqué une anaphylaxie comme par exemple le venin de guêpe ou d’abeille ou certains médicaments. Cette intervention a pour but d’induire une tolérance et consiste à administrer l’allergène à dose croissante sous surveillance médicale. Elle est également du domaine de l’allergologue.

You May Also Like…

Venins d’insectes

Venins d’insectes

Les venins d'insectes sont un type de poison que les insectes utilisent pour se défendre. Lorsqu'ils se sentent...

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *