Comment mieux prévenir les maladies liées à l’âge ? Comment optimiser les traitements médicamenteux qui se multiplient avec l’âge ? La réponse est dans notre ADN et dans nos gènes.
En 2003, suite à une collaboration internationale et plus de 10 ans de labeur, les 3 milliards de lettres du premier code génétique humain ont été séquencées et décryptées. Une petite partie de ce code, soit 3 millions de lettres, est différente entre chaque individu et est à la base de la diversité humaine. Telle variation génétique transmise par nos parents sera responsable de nos yeux bleus, telle autre sera responsable des cheveux bouclés présents dans notre famille depuis des générations.
Le décryptage du code génétique a été un pas de géant et une étape cruciale dans la compréhension de notre ADN ; il n’était, cependant, que le premier pas d’un nouveau domaine scientifique : la génomique. D’un point de vue médical, la génomique et l’évolution des technologies qui lisent ces différences génétiques, appelées polymorphismes, sont une nouvelle source de connaissance pour identifier les risques de certaines maladies.
De nombreuses maladies liées à l’âge, telles que le diabète, l’ostéoporose, les thromboses ou encore les maladies cardiovasculaires sont des maladies dites multifactorielles car elles se développent sous l’influence de plusieurs facteurs de risque. Ces facteurs de risque vont de problèmes comportementaux comme l’obésité, la sédentarité ou la cigarette à des variations génétiques spécifiques. C’est la combinaison de tous les facteurs de risque qui va accroître le risque total de développer telle maladie. L’existence de ces différences génétiques, sur laquelle nous n’avons aucun pouvoir, n’est donc pas une cause suffisante pour développer la maladie. C’est pourquoi il est important d’agir sur les autres facteurs, comme optimiser ses habitudes alimentaires ou comportementales, lorsque le patient présente un risque génétique.
Un exemple de maladie dont la prévention est importante est la thrombose. Cette maladie est la conséquence d’une coagulation accrue qui peut former un caillot de sang bloquant la circulation sanguine. Si ce caillot se déplace dans la circulation il peut également provoquer une embolie pulmonaire ou un accident vasculaire cérébral. Son développement est sous l’influence de facteurs comportementaux comme la cigarette et le surpoids mais également en grande partie sous l’influence de facteurs génétiques. Grâce au développement de la génomique, nous connaissons maintenant les différences génétiques qui augmentent le risque de thrombose. Le dépistage de ces variations permet d’anticiper le développement éventuel de thromboses chez les personnes à risque lors de situations qui augmentent l’apparition de la maladie telles que l’immobilisation suite à une chirurgie, la grossesse et le postpartum, des longs voyages, la prise de pilule ou encore d’hormone de remplacement. En effet, la prise d’hormone de remplacement n’est pas anodine pour les femmes en ménopause. La décision de suivre un tel traitement se fait généralement après avoir bien considéré les avantages et les désavantages. Un des désavantages est justement le risque de thrombose qui augmente avec l’âge. Les femmes susceptibles de prendre des hormones de remplacement présentent en effet un risque accru comparé à une jeune fille de 20 ans. Il est donc indispensable d’estimer les autres facteurs de risque, plus particulièrement la génétique, qui vont s’additionner pour élever le risque total de la patiente à développer une thrombose. Ce dépistage permettra de prévenir de tels événements chez les personnes à risque en utilisant des traitements alternatifs ou en ajustant le dosage des hormones.
L’ostéoporose est une autre maladie liée à l’âge dont la prévention pourrait être spécifique en fonction de la génétique du patient. La maladie se caractérise par une masse osseuse plus faible que normale et donc un risque accru de fractures. Le patrimoine génétique du patient contribue pour beaucoup au risque de la maladie. En effet, de nombreuses variations génétiques ont été identifiées et associées au risque de développer de l’ostéoporose. Des mesures de prévention telles que la consommation optimale de calcium, de l’exercice régulier et un apport en vitamine D suffisant grâce au soleil ou à l’alimentation, sont nécessaires chez les personnes présentant un risque génétique. La connaissance de ces risques génétiques permettrait donc de mettre en place des mesures de prévention le plus rapidement possible.
Le risque génétique de certaines autres maladies n’est pas encore identifié ou seulement en partie. Par exemple, plus de 150 variations génétiques ont été identifiées comme facteurs de risque pour le diabète de type II, cependant elles n’influencent que très peu le risque total de développer la maladie. Pour cette maladie, le dépistage du risque génétique n’est actuellement que partiellement utile. Il peut, cependant, être intéressant, notamment chez les personnes ayant un historique familial de diabète de type II. Certaines études montrent, en effet, que la prise de conscience d’un risque génétique influe positivement sur l’adhérence à un style de vie plus sain.
La génomique a également permis de nombreuses recherches sur la réponse individuelle aux médicaments et son association avec l’ADN. Le développement d’effets secondaires ou le manque d’effet de médicaments chez certains patients peut, en partie, être expliqué par des variations génétiques. Ces différences dans le code génétique du patient se trouvent dans les gènes qui codent pour les enzymes, appelées cytochromes, responsables de la transformation des médicaments dans notre corps. En effet, certains médicaments ont besoin d’être transformés pour devenir une substance active qui aura l’effet escompté. D’autres médicaments doivent être transformés pour être éliminés par notre corps et éviter des effets secondaires. Les cytochromes sont responsables de la plupart de ces transformations. Par exemple, le cytochrome nommé CYP2C19, est l’acteur principal dans l’activation du Clopidogrel, un anticoagulant connu sous le nom commercial Plavix ou Clopidrax. Cet anticoagulant est généralement prescrit à la suite d’un accident cardiovasculaire pour prévenir le risque de thrombose. Sans activation de cette substance, l’effet du médicament est nul et les patients sont à risque de développer d’autres troubles vasculaires. Environ 30% des patients ont des différences génétiques qui vont diminuer ou complètement abolir l’activation du Clopidogrel alors qu’un autre tiers des patients a des différences génétiques qui vont transformer plus rapidement le Clopidogrel en principe actif avec une forte accumulation de cette molécule. Chez les premiers un traitement alternatif est fortement conseillé car le Clopidogrel n’aura aucun effet alors que chez les derniers, les effets secondaires devraient être surveillés étroitement.
Le dépistage des variations génétiques présentes dans les cytochromes est très utile, également pour les patients qui prennent de nombreux médicaments tels que les personnes âgées. En effet des effets secondaires sont plus fréquents chez ces patients car les médicaments interagissent entre eux. La présence de certaines variations génétiques augmente encore plus le risque d‘effets secondaires. Leur détection précoce pourrait ainsi éviter des désagréments pour le patient, des hospitalisations non prévues et des coûts supplémentaires.
L’utilisation des connaissances génétiques par les médecins devrait permettre d’augmenter les mesures de prévention d’un grand nombre de maladies et d’optimiser les traitements médicamenteux avec des prescriptions personnalisées. En effet, la connaissance de son risque génétique accompagnée de conseils personnalisés et professionnels convainc beaucoup plus le patient à agir sur ses habitudes comportementales plutôt que des conseils généraux donnés à la population globale.
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